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Rencontre avec Urban Marker, les occupants du local Boulevard de la Révision

Passé d’un projet de thèse à une association qui fait bouger Bruxelles, Urban Marker contribue à l’appropriation de l’espace public  grâce à la co-construction de modules parklets. Ils occupent depuis peu le local en arrière-cours du projet Révision à Anderlecht. Rencontre avec Olivier Sire et Simon Erkes. 

 

Salut Urban Marker, qui êtes-vous ? 

Olivier : Je suis architecte de formation. Je fais une thèse sur l’appropriation de l’espace public dévoituré par les citoyen·nes. Et ça m’a amené à faire un projet avec Jean-Marc (3ème acolyte du projet) qui, lui, est professeur à la faculté d’architecture à l’ULB. Ensemble, on a fait un projet dans le cadre du contrat de quartier Athénée à Ixelles entre 2018 et 2022. On proposait une réponse aux besoins d’espaces pour les jeunes dans l’espace public sur les temps de midi. Ce qui nous a amenés à réaliser 6 structures qui sont placées aujourd’hui autour de la place Fernand Coq. Ce sont des parklets : du mobilier urbain qui prend une place de parking. On a réalisé ça avec les jeunes du quartier et c’est là que Simon intervient. 

Simon : Je travaille dans le secteur de l’économie sociale. En discutant avec Olivier, j’ai découvert leur projet de thèse. Je me suis dit “C’est trop bien. Il faut en faire une entreprise sociale. Il faut pérenniser les installations.”  Et c’est comme ça que j’ai rejoint le projet en apportant le côté économie sociale, la dimension de participation, d’autres modèles économiques, etc. 

 

Qu’est-ce qu’Urban Marker ? 

Olivier : Notre slogan c’est “l’urbanisme citoyen”. Ce qu’on souhaite c’est que les gens s’approprient la rue, qu’ils puissent construire leur ville. Pour ce faire, on leur offre un moyen mais ce n’est qu’un moyen. L’intérêt est que les Bruxellois co-construisent des modules pour s’approprier l’espace public. 

Simon : Ce qu’on propose, c’est un dispositif, une construction. On s’est demandé où le placer ? Quels sont les espaces publics disponibles ? Dans le contexte de Bruxelles, ce sont les places de stationnement qui sont les plus grandes réserves d’espaces disponibles actuellement ou qui vont se libérer dans les prochaines années. La question est alors “Qu’est-ce qu’on va faire de ces espaces ?”. Une des propositions que l’on a, c’est de mettre en place ces structures dans ces espaces. 

Il y a 2 dimensions dans le chemin qu’on propose. D’une part, tout ce qui est de l’ordre de la co-conception, du co-design et de la participation citoyenne. Les personnes dessinent, découvrent et comprennent le module par eux-même. Il y a différents niveaux possibles : une assise, une table ou un comptoir. Les personnes décident par eux même de placer une chaise à un endroit et un banc à un autre endroit par exemple. 

Et il y a une dimension de co-construction. Les gens reçoivent tous les matériaux, comme un immense Lego technique, de ce qu’ils ont décidé de concevoir ensemble.

Il y a donc tout un chemin qu’on propose : pouvoir comprendre et être sensible aux enjeux, avoir une volonté avec des voisin·es ou des associations de quartier de se réapproprier l’espace public. 

Olivier : On travaille avec tous ceux qui ont envie dans tout Bruxelles. Il y a un fort partenariat avec les pouvoirs publics. On essaye d’être une courroie entre un contexte politique qui veut aller vers ce type d’évolution de la ville et les citoyen·nes, habitant·es, associations pour concrétiser ces évolutions. 

 

Un atelier dans un bâtiment Fair Ground. Un hasard ? 

Simon : On a aussi envie de s’inscrire dans un autre récit. On a envie de réfléchir avec qui on travaille et comment on incarne notre projet. Dans tous les maillons de notre projet, on va travailler avec des acteurs des communs, de la ville du vivre-ensemble, etc. Avoir un atelier dans un bâtiment de Fair Ground, travailler avec le bois de la Sonian Wood Coop, communiquer avec LemonSide, ça a du sens pour nous. Pour montrer que c’est une belle histoire, pas qu’un récit mais que c’est possible. Tous les acteurs existent déjà. S’inscrire là-dedans c’est un réel plus. Pour cet atelier, c’était évident pour nous de bosser avec Fair Ground. C’est à la fois un plaisir, un jeu et aussi une quête de sens que de se dire “Sur cet enjeu-là, que proposer ?”. 

 

Vous avez des liens avec le quartier ? 

Olivier : On commence. On est arrivé début juillet, on était en congé. On commence à avoir un lien avec la sandwicherie d’à côté. Mais on aimerait faire plus. 

 

Facile à construire un module ? 

Olivier : Tout est découpé et troué. Il ne reste plus qu’à le monter une fois qu’il est co-designé. Mais deux choses importantes. Il y a un biais cognitif, c’est l’effet “Ikea”. Quand on construit soi-même, ça nous appartient plus. On se l’approprie plus facilement. C’est automatique. L’idée est que les gens se projettent quand ils construisent le module. C’est le premier point et c’est fondamental pour nous dans l’appropriation de l’espace public. 

Le deuxième point, c’est que forcément ça réduit le coût. On souhaite apporter quelque chose de suffisamment peu cher pour être acheté par des communes ou des associations. Si on devait payer quelqu’un pour monter le module, ça impacterait très très fortement l’accessibilité du module. 

Simon : Il y a même une troisième dimension. C’est si on construit ensemble. Dans l’amélioration des relations de voisinage, dans une dimension de proximité, travailler sur cette dimension est génial. Et nous, on trouve ça super important que les gens se rencontrent sur un projet qu’ils construisent ensemble. 

 

Qu’entendez-vous par “design social” ? 

Simon : “Design social” c’est designer des projets à impact, construire des récits, des communautés de partenaires qui se soutiennent, remettre les personnes au centre. En partant des environnements ou des contextes et en étant à l’écoute des besoins des gens et du contexte de la ville. 

Olivier : “Design social” car c’est centré sur l’humain. On peut aussi voir ça comme ramener le design qui peut être vu comme quelque chose de luxe à hauteur sociale. On pense faire quelque chose de pratique et cohérent mais on espère avoir une certaine forme de design qui est offert à chacun. 

 

Pour vous, qu’est-ce qu’une ville de qualité ? 

Olivier : D’une certaine manière, c’est le rapport à la communauté. C’est aussi proposer des espaces de rencontre. On a besoin d’espaces extérieurs. Pendant le confinement, on s’est rendu compte que rester bloqué chez soi c’est pas possible. 1/5e des ménages bruxellois n’ont pas d’espaces extérieurs privés. C’est énorme. Qu’il existe des espaces aménagés dans l’espace public, du mobilier urbain ou même des potagers partagés, ça nous paraît assez évident.

Puis, il y a besoin de rencontres. Il faut créer des espaces. Et quoi de mieux que la fabrique de la ville en commun pour croiser du monde et être à l’extérieur ? 

Simon : Pour nous, une ville de qualité, c’est autant l’espace que la communauté. 

 

Une chouette lecture à partager en lien avec le droit au logement, les communs ou  le droit à la ville ? 

Olivier : Il y en a plusieurs : “le droit à la ville” d’Henri Lefebvre ou plus contemporain “Tactical Urbanism: Short-term Action for Long-term Change” de Mike Lydon et Anthony Garcia.

 

Vous souhaitez travailler avec Urban Marker avec vos voisins ou votre association ? N’hésitez surtout pas à les contacter : info@urbanmarker.be